Inserm U722
 
 
 
 
Compréhension de la diversité génotypique et phénotypique générée chez Escherichia coli lors des infections extraintestinales
Maxime LEVERT
11 mars 2010

Des travaux du laboratoire d’accueil ont montré que lors des infections extraintestinales à Escherichia coli, il peut exister une microhétérogénéité génétique parmi les isolats clonaux de certains patients.

Le travail présenté ici a consisté (i) à mieux décrire les variations phénotypiques et génotypiques d’un panel de 226 isolats cliniques provenant d’infections extraintestinales chez 19 patients, (ii) à établir le lien entre les phénotypes et les génotypes et (iii) à comprendre quelles étaient les forces évolutives qui sous-tendaient ces variations.

Chez les isolats clonaux qui présentaient des microhétérogénéités génétiques, nous avons réalisé de nombreux tests phénotypiques (croissance, résistance aux antibiotiques, sensibilité à l’H2O2, capacité métabolique, mobilité) et montré qu’il existe une corrélation statistique entre ces phénotypes. Il s’avère que ces phénotypes sont dépendants de l’expression du gène rpoS. Nous avons donc séquencé le gène rpoS et son promoteur chez 8 isolats d’un patient caractéristique présentant une microhétérogénéité génétique, mais aucune mutation n’a été détectée dans le gène ou dans le promoteur. Par ailleurs, nous avons observé une production différente de la protéine RpoS dans ces isolats que ce soit par les techniques du Western blot ou marquage à l’iodine du glycogène intracellulaire.

Par la suite, nous avons regardé si une différence de virulence existait chez ces isolats en utilisant un modèle murin d’infection extraintestinale, et effectivement ces 8 isolats se partagent en 4 groupes de virulence significativement distincts. De plus cette virulence est statistiquement corrélée aux phénotypes précédents ainsi qu’à la production de la protéine RpoS.

Pour mieux comprendre les bases moléculaires de ce polymorphisme phénotypique nous avons effectué l’analyse protéomique différentielle globale des 8 isolats du patient caractéristique par électrophorèse bidimensionnelle (2-DE) et analyse par spectrométrie de masse (Plateforme d’Analyse Protéomique de Paris Sud Ouest) : 27 protéines sont différentiellement exprimées entre les isolats, dont la moitié sont connues pour être régulées par RpoS. De plus l’expression de 26 de ces protéines est liée statistiquement aux phénotypes observés précédemment.

Le séquençage de quatre de ces souches (laboratoire d’accueil en collaboration avec le Génoscope d’Evry), a permis de découvrir au moins six mutations ponctuelles, une délétion et une insertion d’élément IS ; la moitié présentant un lien direct avec l’expression de certaines protéines différentiellement exprimées. Les résultats acquis au cours de ce travail montrent qu’il est possible que de multiples génotypes et phénotypes bactériens soient générés à partir d’une population clonale dans les infections extraintestinales à E. coli. De plus, nos résultats indiquent que ce phénomène de diversification des clones bactériens n’est pas anecdotique mais plutôt courant, alors qu’il s’avère rare au sein d’isolats commensaux.

Dans certains cas, nous avons pu établir facilement les liens entre les phénotypes et les génotypes comme dans les cas de pertes de plasmide (résistance à l’ampicilline) et dans certaines modifications observées en protéomique différentielle. Dans d’autres cas, ce lien était moins évident comme pour la protéine RpoS qui présente des niveaux différents alors qu’aucune mutation n’a été identifiée dans le gène rpoS et son promoteur. L’hypothèse la plus probable est que quelques mutations avec de forts effets pléiotropiques entraînent une modification indirecte des niveaux de RpoS.

Enfin, plusieurs forces évolutives qui ne s’opposent pas, mais au contraire semblent complémentaires, peuvent expliquer la diversification des clones au sein des infections extraintestinales : des modifications de la balance SPANC (« Self Preservation And Nutritional Competence »), l’apparition de « tricheurs » et la notion de « bet-hedging ».

Mots clés : Escherichia coli, infections extraintestinales, évolution, diversification, RpoS