Inserm U722
 
 
 
 
Génération de la diversité génétique au sein de l’espèce Escherichia coli et relation avec la phylogénie et la virulence
Jérôme TOURRET
Unité INSERM U722 – Université Paris Descartes

Escherichia coli/Shigella est une espèce d’une extraordinaire diversité génétique. Ce fait est illustré par la versatilité d’E. coli. Il est tout à la fois un pathogène opportuniste responsable de nombreuses infections intestinales et extra-intestinales causant la mort de deux millions de personnes chaque année et un commensal très fréquent de la flore intestinale des mammifères et des oiseaux. Cette diversité génétique s’est construite au cours du temps et façonne aujourd’hui l’organisation de l’espèce. Le travail présenté ici a consisté a étudier les liens entre la diversité génétique, la phylogénie et la virulence au sein de l’espèce E. coli. Pour cela, deux approches moléculaires et deux approches expérimentales ont été utilisées.

Dans le premier travail, six souches d’E. coli (IAI1, 55989, UMN026, IAI39, S88 et ED1a) ont été entièrement séquencées et annotées. Une étude comparative in silico des événements de mutation et de recombinaison de ces six souches et de quatorze autres déjà séquencées a été réalisée. Celle-ci a permis de préciser les notions de « core » génome (noyau du génome comportant environ 2000 gènes) et de pangénome (ensemble des gènes des souches d’E. coli comportant plus de 18000 gènes), de confirmer la structure clonale de l’espèce, de montrer les flux de gènes responsables de l’évolution de l’espèce et enfin de montrer que la recombinaison n’est pas répartie uniformément tout au long du chromosome, mais prédomine à l’origine de réplication et à deux « bastions de polymorphisme ».

Dans le deuxième travail, une construction permettant de mesurer in vitro la fréquence des événements de délétion par recombinaison a été introduite dans le chromosome bactérien de quatorze souches d’E. coli. La mesure des fréquences de recombinaison de ces souches dans différents milieux a permis de montrer que ces délétions étaient dépendantes de RecA dans 90 % des cas et que la recombinaison homologue RecA-dépendante était un caractère polymorphe et inductible au sein de l’espèce. Enfin, sur les souches testées, une corrélation entre fréquence de recombinaison et virulence a été mise en évidence.

Dans le travail suivant, des mutants de la souche uropathogène 536 comportant des délétions simples ou multiples des divers îlots de pathogénicité (PAI pour « pathogenicity islands ») ont été testés sur un modèle de septicémie de la souris. Ce travail a permis de montrer que les différents PAI n’ont pas la même importance dans la virulence extra-intestinale, qu’ils ont un effet globalement additifs et que leur importance relative dépend du fond génétique dans lequel ils se trouvent et du modèle utilisé pour appréhender leur effet.

Enfin, le quatrième travail a consisté en l’étude de l’interaction entre une souche commensale et une souche pathogène extra-intestinale d’E. coli in vivo sur un modèle de septicémie de la souris. Il a permis de mettre en évidence une augmentation synergique de la virulence extra-intestinale lorsque les deux souches sont associées. L’ensemble des résultats acquis au cours de ce travail montre que la virulence est un caractère extrêmement complexe et polygénique qui ne peut être résumé simplement par un processus évolutif, une fonction, ni même un groupe de gènes. En outre, la virulence semble liée à l’extraordinaire adaptabilité d’E. coli.

Mots clés : Escherichia coli, recombinaison homologue, mutagénèse, virulence, phylogénie, îlot de pathogénicité, coopération bactérienne, modèle de septicémie de la souris.