Inserm U722
 
 
 
 
Impact de la colonisation des voies aériennes à Candida albicans sur l'émergence de pneumopathies bactériennes
Damien ROUX
 

Introduction

La colonisation des voies aériennes à sp est fréquente chez les patients sous ventilation mécanique en réanimation. Plusieurs études in vivo et in vitro ont mis en évidence une interaction entre et Pseudomonas aeruginosa. Un lien entre colonisation fongique des voies aériennes et pneumopathie à P. a été décrit dans une étude clinique. Une seconde étude clinique a retrouvé un lien entre traitement antifongique et absence de pneumopathie à P. chez des patients colonisés à . L’objectif de cette thèse est de préciser ce lien entre colonisation à C. albicans et pneumopathies bactériennes, de préciser les mécanismes impliqués, et enfin de tester l’effet d’un traitement antifongique.

Méthodes et résultats

Nous avons développé un modèle original de colonisation des voies aériennes à C. chez le rat. Cette colonisation se caractérise par une réponse inflammatoire pulmonaire modérée de type Th1 et Th17 avec un discret infiltrat des voies aériennes distales et des concentrations pulmonaires élevées d’interféron-γ (IFN-γ) et d’interleukine-17, sans argument pour une infection fongique avec notamment une prise de poids corporelle des rats colonisés similaire aux rats témoins.

En utilisant initialement une souche clinique de C. et de P. , nous avons retrouvé une incidence accrue de pneumopathie à P. dans le groupe de rats colonisés par rapport au groupe contrôle. Nous n’avons pas retrouvé de contact direct entre les deux micro-organismes dans les poumons des rats colonisés à l’examen anatomo-pathologique. De plus, la présence de C. , d’IFN-γ et de Tumor Necrosis Factor-a ne modifie pas in vitro la croissance de P. . Nous avons secondairement confirmé cet effet facilitateur de la colonisation fongique sur le développement d’une pneumopathie bactérienne en utilisant des souches de laboratoire de C. et de P. . Puis nous avons montré l’absence de spécificité d’interaction entre ces deux germes en retrouvant le même effet sur une pneumopathie à Staphylococcus aureus et à Escherichia coli.

Devant l’absence de spécificité d’interaction, nous avons étudié l’impact de la colonisation broncho-pulmonaire à C. sur la réponse immunitaire pulmonaire innée, et plus précisément sur les capacités de phagocytose des macrophages alvéolaires. Ainsi, nous avons retrouvé une diminution de la production de radicaux libres de l’oxygène par ces cellules, reflet d’une diminution de la bactéricidie intracellulaire, en présence de C. . Cet effet n’était pas retrouvé après inactivation du C. par l’éthanol. De plus, nous avons observé une diminution marquée de la phagocytose par les macrophages alvéolaires des bactéries non opsonisées après culture cellulaire in vitro en présence d’IFN-γ. Cet effet n’était pas observé après opsonisation des bactéries.

Finalement, nous avons testé l’impact de traitements antifongiques sur la colonisation des voies aériennes à C. . Nous avons observé une augmentation de la clairance du C. chez les rats traités avec du fluconazole ou de l’amphotéricine B, l’effet de ce dernier traitement étant supérieur. Sous ces traitements, la concentration pulmonaire d’IFN-γ était significativement diminuée par rapport aux rats colonisés et non traités, avec des valeurs équivalentes à celles des rats non colonisés. Chez les rats colonisés, l’incidence d’une pneumopathie à P. était significativement inférieure sous traitement par amphotéricine B par rapport aux rats non traités.

Conclusion

La colonisation des voies aériennes à C. favorise le développement d’une pneumopathie bactérienne, sans spécificité d’interaction entre C. et une bactérie particulière. Le mécanisme évoqué est une diminution des capacités de phagocytose par les macrophages alvéolaires dans ce contexte de réponse inflammatoire de type Th1 avec un rôle potentiel de l’IFN-γ dans la diminution de l’expression des récepteurs scavengers mais pas des récepteurs Fc sur la membrane de ces cellules. Un traitement antifongique permet de supprimer l’effet facilitateur de la colonisation sur le développement d’une pneumopathie bactérienne. Ce travail ouvre des perspectives cliniques importantes dans la prévention des pneumopathies acquises sous ventilation mécanique.

Mots-Clés : Candida albicans, pneumonie, colonisation, modèle animal, macrophage alvéolaire, Interféron-gamma