Inserm U722
 
 
 
 
Diversité métabolique chez Escherichia coli : implications dans l’adaptation et la virulence
Cécile AUBRON
16 décembre 2009

L’espèce E. coli comporte des souches commensales du tube digestif des hommes et des animaux mais aussi des souches pathogènes. Le passage de l’état commensal à l’état virulent est une expression de l’adaptation de l’espèce soumise à différentes pressions de sélection. Ces pressions de sélection entraînent chez la bactérie des changements métaboliques indispensables à sa survie et à la colonisation de son environnement.

L’objectif de notre travail est d’effectuer une étude de la diversité métabolique de divers isolats naturels de E. coli afin (i) d’établir un lien entre métabolisme et virulence et, (ii) de mieux comprendre la physiopathologie des infections urinaires (IU).

La diversité métabolique et les capacités d’adaptation métabolique des bactéries face à un environnement donné ont été évaluées en étudiant l’orientation du métabolisme au travers des voies métaboliques du métabolisme central pour 5 souches de E. coli. Les activités enzymatiques spécifiques de 18 enzymes clés ont été mesurées à la phase exponentielle de croissance dans 4 milieux: LB, urine humaine et deux milieux minimum enrichis en glucose ou en gluconate. Une diversité intra espèce tant du métabolisme que des capacités d’adaptation métabolique a été mis en évidence. Elle a pu être rattachée au phénotype pathogène ou commensal et à la niche d’origine des souches.

Pour préciser le lien entre le métabolisme et la virulence au cours des IU, nous avons analysé le métabolisme de E. coli CFT073, souche uropathogène, lors de sa croissance dans l’urine. L’étude de la consommation des acides aminés, la mesure des activités enzymatiques spécifiques en phases exponentielle et stationnaire ont montré que cette souche favorise la consommation d’acides aminés acétogènes, le métabolisme de l’acétate et les voies de biosynthèse.

La croissance de E. coli dans des conditions limitantes en nutriments peut avoir des conséquences sur son homéostasie redox. Nous avons donc évalué les défenses anti-oxydantes et la péroxydation des lipides secondaires aux espèces radicalaires de l’oxygène, aux deux phases de la croissance dans l’urine pour 8 souches (3 souches commensales, 5 souches pathogènes dont 4 souches uropathogènes et une souche entérohémorragique). La phase exponentielle, par rapport à la phase stationnaire, est associée à un déséquilibre de la balance anti-oxydante/pro-oxydante. La comparaison de l’équilibre redox au sein du groupe phylogénétique B2, entre la souche E. coli 83972 responsable de bactériurie asymptomatique et les souches uropathogènes, montre que la croissance dans l’urine de ces dernières est associée à un taux moins élevé de lésions cellulaires secondaires au stress oxydant.

Enfin dans un travail plus proche de la clinique, la croissance de E. coli CFT073 dans de l’urine de patients polytraumatisés a été comparée à celle observée dans l’urine de sujets sains, ceci dans le but de comprendre la prédisposition des patients de réanimation aux infections urinaires sur sonde à E. coli. Certains composants de l’urine, connus pour avoir un impact sur la croissance, ont été analysés. Nous montrons qu’un stress systémique s’accompagne de modifications de la composition de l’urine en facteurs nutritionnels mais aussi en facteurs non nutritionnels favorables à la croissance de E. coli CFT073, pouvant participer à la survenue d’infections urinaires chez les malades de réanimation.

Au total, notre travail montre qu’il existe une diversité du métabolisme central et des capacités d’adaptation métabolique au sein de l’espèce E. coli. Il met en évidence l’orientation du métabolisme de E. coli CFT073, souche uropathogène, au cours de sa croissance dans l’urine, vers le recyclage de l’acétate et la néoglucogénèse. Le métabolisme lié au stress oxydant pourrait aussi jouer un rôle au cours de la croissance dans l’urine. Enfin les modifications hormonales ou biochimiques urinaires, survenant chez les malades de réanimation, favorisent la croissance de E. coli.

Mots clés : Escherichia coli, métabolisme, infection urinaire, diversité, stress oxydant, adaptation.